2024
05.26

#DesChevauxDébridés

Il y a des jours où l’on ferait définitivement mieux de rester couché… Car si à moins d’une semaine du raid du Jura j’ai voulu me préserver en privilégiant une petite marche cool autour de chez moi, je me suis fait surprendre. Sur une pierre, posée en bascule et dont je ne me suis pas assez méfié… La cheville qui tourne, et une douleur vive tandis que je me retrouve à terre. La cheville enflée et des hématomes dans chaque orteil… Je devais bien me rendre à l’évidence. Il n’y aurait pas de Jura. A peine cette consolation de ramener avec moi ces beaux chevaux qui m’appelaient à l’aventure…

Et les copains… qui vont avoir la chance de découvrir cette belle traversée…

2024
05.25

#DuRaffyfiAuMeygal


Résumé

 

Il existe des journées dont nous ne profitons pas assez… Des journées rares, où l’esprit d’un groupe, le spectacle des nuages et l’allure d’un pays se noue miraculeusement pour former un tout. Nous sommes le 25 mai, et j’ignore alors que cette sortie sublime initiée par Nicolas sera la dernière pour un bout de temps… Quoiqu’il en soit, la qualité de traceur de Nico a une nouvelle fois fait mouche… Du Pertuiset dont nous sommes partis à ces gorges de la Loire que j’aime tant, du secteur des Sucs unique de part le monde par l’aspect fantastique qu’ils revêt, de ce retour classique par le lac de Devesset et la route de la Saint Bonnette si méritante… De cette efficacité dans notre trio, de cette facilité déconcertante à avaler, groupé, les kilomètres et les difficultés… Je retiens aujourd’hui une trace ornée d’un ruban que l’on dénoue délicatement. Je retiens un spectacle et une journée simple qui ne ressemble à aucunes autres. Je retiens cette idée, l’archive et la partage avec vous sur le site… Car le « CC-Monistrol » qui l’a initialement dessinée aurait certainement voulu qu’on la sauvegarde. Que d’autres puissent à leur tour la découvrir, comme nous nous sommes plu aujourd’hui à la découvrir…

 


Fiche

Descriptif :

GPXDuRaffyfiAuMeygal
Pays : France
Région : Rhône-Alpes
Dépt : Loire
Ville de départ : Unieux (42240)
Difficulté : Moyennne
Distance : 198km / Dénivelé : 3000m
Durée : 8 heures 45
Sport : Cyclisme Route

 

 

 


2024
05.19

#CFC la Collective (Cols Foreziens Challenge, en 2J et à VTT)

La photo d’une belle équipe, au départ de Valcivières

Le Forez compte 22 cols à plus de 1000m. L’idée est donc de les lier via une jolie trace dessinée par Guillaume mixant route et VTT (240km / 5000m de D+). Une autre manière de voir les choses, quelques surprises et surtout un beau défi. Compte tenu de la météo pas top, petit changement de programme. Exit le deuxième bivouac, les parcours des jours 2 et 3 sont enchaînés, avec une nuit dormi au camping de Saint Anthème. Sur une idée originale de Laurent. « Bad decision make good stories… (Sometimes) »

L’album photo de la Collective :

Cliquer sur l’image pour accéder à l’album photo

 

Hall of fourme (à fin 2024) :
Damien Cizeron (2021) route en one shot + (2024) VTT en one shot
Laurent Naked (2021) route en one shot + (2024) gravel en one shot


Guillaume RINGOT (2021 et 2024) VTT en one shot
David Delon (2021) route
Frédéric Sabassier (2022) route monovitesse
Olivier Prieur (2022) route
Fabrice Rota (2023) route en one shot et moins de 24h


COLLECTIVE, du 18 au 19 mai 2024

Lucas Dherouel (2024) gravel one shot
Pierre Goure (2024) gravel one shot
Romain Goure (2024) gravel one shot
Jérémie Suaudeau (2024) VTT en one shot
Julien Delage (2024) gravel one shot
Thomas Bosset (2024) gravel one shot
Anthony Zamora (2024) gravel one shot
Guillaume Béal (2024) gravel one shot


Arnaud Chassagne (2024) gravel en one shot et moins de 24h
Yannick PETìTBOUT (2024) gravel en one shot et moins de 24h
Chezkro Jrme (2024) gravel en one shot et moins de 24h
Nicolas C_77 (2024) gravel en one shot et moins de 24h
Bidouilloux Flo/Duch (2024) gravel en one shot
Thibaut Roche (2024) monocycle tout terrain
Jean-Claude Dumoulin (2024) gravel
Guillaume Pot (2024) VTT
Nicolas Jouan (2024) VTT
Krokodil Snchappi (2024) monster gravel
Thibault Aoust (2024) VTT
Bûcheron de l’inconscience (2024) VTT
Vincent Garin (2024) gravel one shot

2024
05.08

#CharlyEtLesSentiersMagiques


Résumé

L’histoire, inspirée par un fait-divers authentique, se déroule en Auvergne, durant la période troublée de la Révolution française, après la fin de la monarchie capétienne. C’est sur la route qui relie Ambert à Montbrison, à travers les Monts du Forez, plongeant sur la vallée de la Loire après le hameau de la Cateyssone, que fut perpétré, en 1794, l’assassinat du maître-papetier Thomas Richard. Une petite croix en fer forgé fut érigée à l’emplacement du crime, pour perpétuer le souvenir de cet attentat. Le site prit alors le nom de col de la croix de l’homme mort. (La croix de l’homme mort – Pierre Marlet – 19/03/2012 – ISBN : 9782332476913)

 

08 mai 2024, le #CFC et le Jura approchent et il convient de poursuivre l’entrainement tout chemin initié depuis le début de l’année. Moins de vélo route, plus de VTT et de marche pour le portage, on ne sait jamais… Aujourd’hui, et la Squadra que je salue étant partie pour l’Aveyron, c’est Charly du cyclo team Saint Just qui s’y colle. Un parcours pour rallier le col de la Croix de l’Homme Mort nous avait-il dit. Un parcours basé sur un agencement parfait de sentes inconnues et de grands chemins miraculeux qu’il ne nous avait pas dit. Une belle journée de vélo détendue comme je les aime. Pas de stress, pas de compète. Juste le petit plaisir perso d’avoir su franchir le coup de cul qui aurait pourtant bien aimé vous voir mettre pied à terre… Mais non, ni Charly ni Jeff ni Sylvie n’ont jamais cette faiblesse et il a donc bien fallut s’arracher pour rester digne de leur rang 😉

#SecondLifeSyndrome, Merida FLX800, 15 années de bons et loyaux services derrière lui et encore de beaux périples à aller chercher… Car plus que d’être dans le jetable, ce qui compte est d’être dans le durable !!!

Cette belle sortie fut donc l’occasion de tester et de valider les réparations effectuées sur le VTT qui va être soumis à rude épreuve lors des prochains weekends… Nouveau système de freinage, nouvelle fourche, nouveau shifter&dérailleur, jeu de direction, boîtier de pédalier et chaîne avant les évènements off-road du printemps. Mais toujours ce 🎵🐦 signature qui persiste et vous accompagne 🙉 …

Parcours

 

Descriptif :

GPX : #CharlyEtLesSentiersMagiques…
Région : Rhône-Alpes
Dépt : Loire
Départ : Sury-le-Comtal (42450)
Difficulté : Moyenne
Distance : 68km / D+ : 1700m
Durée : 5 heures 56
Sport : Cyclisme VTT

2024
05.04

Juste une question d’émissions ?

Le jeu proposé est simple pour prendre conscience de l’empreinte de nos déplacements sur la pollution atmosphérique… Ainsi, je devais aujourd’hui aller chercher un jeu de direction pesant 69 grammes à Chazelles-sur-Lyon. L’aller-retour depuis Sorbiers fait 69 kilomètres (c’est la règle du jeu), un peu moins si j’avais pris ma voiture car j’y serais aller au plus direct mais soit, ce jeu là n’est donné qu’à titre d’exercice pratique.

Pour parcourir cette distance, il aurait fallu brûler du gazoil, de l’essence, dans mon cas de l’éthanol ce qui aurait eu pour effet de rejeter dans l’atmosphère du CO2 ainsi que tout plein de petites substances bien sympathique…  Le hic ? Ces gaz ne sont pas palpables et combien d’entre nous se sont déjà posés la question de ce qu’ils représentent pour un trajet. Il faut donc trouver un moyen de l’estimer, et cela se fera sur la base des chiffres de l’EPA (US Environmental Protection Agency), une sorte d’Ademe Américaine en hyper résumé et dont vous trouverez les données ici : Automotive Trends Report

La formule choisie pour le calcul des rejets de CO2 est la suivante : Distance effectuée multiplié  par la moyenne des rejets de CO2 / kilomètres. Attention, il ne s’agit pas de sa propre voiture mais bien d’une moyenne des véhicules roulant sur les routes. Mais en gros, 337grammes/miles ça fait 209,4grammes de CO2/kilomètres.

Ce sont les chiffres de 2022 et on constate tout de même une nette amélioration depuis 1975 (division des émissions par 2) et une correction de tendance à partir de 2005… Donc même si cela ne suffit pas et qu’il faut accélérer, c’est quand même bien.

Ainsi, pour aller chercher mon jeu de direction qui pèse 69 grammes je le rappel, je vais déplacer pas moins d’1,5 tonnes de métal sur 69 kilomètres pour un rejeter au final 69 * 209.4 / 1000 = 14.5kg de CO2.

Oui. 14.5kg de CO2 rejeté pour ramener dans ma poche et sans aucuns plaisirs un truc qui pèse à peine 69 grammes

A 1 gramme du kilomètre et en intégrant mes emissions au poids de l’objet réceptionné, ma punition reviendrait à parcourir 1450+69=1519 kilomètres selon les règles du jeu énoncé, ce qui vous en conviendrez constitue à vélo un détour non négligeable…

Voila qui a de quoi faire quand même réfléchir… 🤔

 

2024
05.03

#TDLF24, ce sera le 08 juin 2024


Résumé

LE TDL Féminin, quesako ?

Le TDLF, c’est le projet de trois copines passionnées de sport et de vélo ! Un parcours 100% féminin qui se veut accessible à toutes au travers des routes ligériennes en vélo de route. Relever un challenge toutes ensemble et au féminin est l’objectif numéro 1 du TDLF !

Voilà qui comme en 2021 pouvait constituer un beau programme, n’est-ce pas Nico ! Rendez-vous est donc donné à Sorbiers pour aller voir ce que donne cette nouvelle trace concoctée par les filles du TDLF. Avec de belles perspectives, puisque cette édition nous emmènera d’abord dans le Pilat où nous découvrirons une jolie vue depuis le viaduc ignoré de Pélussin, qui enjambe un Régrillon coulant à gros bouillon !!! Chose remarquable, ce viaduc (fin de construction en 1917) était à l’origine destiné à accueillir le train du CFDL (les Chemins de fer départementaux de la Loire) dont la ligne initialement prévue devait relier Pélussin à Saint Héand. Cette même ligne se poursuivant ensuite vers Saint Symphorien-sur-Coise passant par Chevrières et un lieu de détente que tout Chevrotins connait comme « La Gare » .

Le train des filles du TDLF, fermeture des portes…

Car après cette mise-en-jambe progressive, il nous fallait franchir le gros morceau de la journée, la longue montée de Chaubouret (1201m) par les villages de Roisey, Colombier ou Graix… Le soleil brillait, l’eau ruisselait. C’était enfin une belle journée de printemps, après celles interminablement grises de ce début mai…

Nous roulions sur les hauteurs, il faisait frais. Mais ce n’était qu’un détail, tant c’était agréable. Bientôt nous plongerions vers la Loire et ce marron qui ressemblait davantage à un nappage chocolat qu’à un fleuve sauvage. Nicolas avait prévu une liaison vers Périgneux par la belle montée de Chambles mais le tracé officiel passait par Saint Maurice et ses balcons sur la vallée. Cela faisait bien longtemps que je n’étais pas passé de ce coté-ci et Nicolas m’accorda d’y remédier. C’était une belle route, pas si facile à cause de certaines épingles particulièrement relevées, et des pourcentages loins d’être aisés ! A la cime, une placette idéale pour vider la musette… Tandis que des gamins dans la cour de l’école voisine se criaient des, « tu veux faire un chifoumi  » ?

Pierre, feuille, vélo, le vélo roule sur la pierre et écrit sur la feuille… Et nous étions déjà reparti… Dans l’agréable secteur Forez-Sud. Luriecq, Saint Jean-Soleymieux, je ne pouvais m’empêcher de penser que les filles qui avaient tracé le truc avaient un goût certain pour les jolies choses…

A la mi-parcours venait une portion plus calme, sillonnant la plaine pour remonter à Feurs, au Nord. Le vent s’était levé, et j’étais bien content d’aller en compagnie d’un coéquipier de luxe sans lequel j’aurais très probablement pris la tangente aux environs de Montrond-les-Bains… Mais dans sa roue et après un arrêt désaltérant au bar « Chez Nicole », c’était facile et j’avais tout le loisir d’observer les nuages inquiétant qui s’accumulaient sur nos talons… Bientôt nous tournerions à Feurs, un changement de direction pour nous ramener vers eux… Nous ne faisions pas les fiers…

Il nous restait une cinquantaine de kilomètres à couvrir et nos espoirs de les parcourir au sec s’étaient particulièrement rétrécis… A Saint-Galmier, pas encore mouillés, mais les premières gouttes. Nous tournions à gauche vers le Bois du Blanc que Christian à maintes-fois sillonné et où un coin de ciel bleu persistait à notre plus grand soulagement… Virginie qui descendait à vive-allure nous salua… Sûrement serait-elle présente dans un mois au TDLF, elle l’habituée des longues virées et de cet évènement particulier.

Hameau la Pacalière. Des gouttes pas très sympathiques tombaient depuis Chevrières et je mis le clignotant pour avertir Nicolas de mon intention de me couvrir un peu… Dans l’abribus, il y avait un banc au sec où nous avons enfilé jambières et k-Way… Quelques minutes qui suffirent à faire passer la pluie… Car Fontanès était désormais partagé. D’un trait net dessiné dans le ciel. Un bleu le plus pur sur la Plaine et le noir le plus sombre sur les pays du Gier. Le vent balayant du bon coté cette frontière. Aujourd’hui, nous ne tenterons pas le diable et ferons l’impasse sur la commune de Saint-Christo-en-Jarez pour redescendre plus directement par le bois des Oeillons. A vélo comme dans la vie, il faut aussi savoir se contenter…

« Alors merci Nicolas, pour cette journée,
et bonne chance à vous toutes
vous les Demoiz’elles à Bicyclette
qui avez encore tant su nous régaler… « 

Parcours

 

Descriptif :

GPX : #TourDeLaLoireFeminin(24)…
Région : Rhône-Alpes
Dépt : Loire
Départ : Sorbiers (42290
Difficulté : Moyenne
Distance : 233km / D+ : 3250m
Durée : 10 heures 13
Sport : Cyclisme Route

 

2024
05.01

The Air-Conditioned Nightmare

La matérialité du monde est une mélancolie désormais.

Elle est devenue métaphorique ou figurée : un selfie du réel, une story floue, un snap qui s’efface… Quand elle trouve encore une place, c’est pour revenir sous forme méticuleuse et simulée, à coups de modélisation 3D et de rendus hystériquement réalistes, comme s’il fallait rendre grâce ou hommage, sous une culpabilité discrète, à ce que nous avons soigneusement assassiné. Red Dead Redemption.

Ce qu’on voit circuler dans les avenues de San Francisco, et plus encore dans l’Amérique rurale, sont les derniers blocs de virilité qu’on avait cru réservée aux hommes alors qu’elle préfigurait plus subtilement, en nous offrant cette armature de métal pour exosquelette, une manière d’humain augmenté. Sans doute la voiture traduisait-elle déjà ce ressenti inconscient d’un corps trop peu habité pour s’affirmer sans son enveloppe carrossée, plus assez vif pour exprimer sa puissance sans cheval-moteur, sans piston démesuré, et qui retardait sans pouvoir le conscientiser sa déliquescence future. Cette pulsion est toujours présente, ce n’est pas vraiment fini ? Vous avez raison : c’est juste has been. L’ère de l’information a dissous nos bolides dans un trait de lumière.

Ce qui arrive après ne se conduit plus, ne se dompte plus. Pas plus ne se bricole ou répare – ce sain plaisir des mécaniciens du dimanche. Ne permet plus l’expression d’un style de pilotage qui signait un rapport au monde – agressif, coulant ou classieux – même si la boîte automatique américaine avait déjà en grande partie robotisé l’art de conduire. Ce qui arrive s’appelle la voiture autonome, the driverless car, et n’est qu’un bulbe autoguidé qui vous soumet à ses algorithmes. Avec pour seul horizon l’exact antipode de la liberté des seventies : une sécurité totalitaire et maladive face à laquelle nous sommes sans argument.

A partir du moment où la quantité de vies sauvées prime ontologiquement sur la qualité des vies qu’on mène (leur richesse, leur noblesse, leur joie ou leur intensité), alors toute discussion s’absout dans la computation statistique.

En arpentant San-Francisco, j’ai découvert ces voitures au design postmoderne, compactes et trapues, siglées Waymo, qui sillonnent sans discontinuer la ville.  On les repère partout, dans toutes les zones, tous les quartiers. Elles sont blanches comme l’innocence perdue de la liberté de les conduire. Elles exhibent leurs capteurs et leurs radars aux quatre angles du véhicule et une sorte de tourelle de tir sur le toit dont on se demande qui elle vise.

A l’intérieur, des humains à moitié vigiles, avachis derrière un volant qu’ils ne tiennent pas, roulent sans relâche pour alimenter l’immense golem de data qui rendra à terme ces voitures autonomes. Je devrais écrire : «  se font rouler sans relâche » puisque la « voie » moyenne, en grammaire comme sur la route, est notre nouveau passif…

Des millions d’heures de conduite humaine pour apprendre  à la machine et aux algos les bons réflexes. Puis des millions d’autres pour qu’elle s’entraîne elle-même sous le contrôle vaseux d’un zombie assis dans l’habitacle et censé parer à ses bugs. Comme si l’on tenait absolument à nourrir, jour après jour, milliards investis après milliards, notre futur servitude volontaire.

Sur son site, la société Waymo, spin-off de Google, nous vend une émancipation reconquise sur le temps de conduite. Un temps « libéré » qui sera aussitôt re-siphonné pour travailler dans ce nouveau bureau roulant. Ou qui sera vampirisé par un nouveau binge watching automobile,  un gavage d’écrans, là où notre temps de cerveau disponible pouvait trouver dans la conduite quelque instant d’hiatus, quelques temps mort précieux au feu rouge où faire monter en soi la présence de nos enfants ou tout simplement un souvenir oublié, une promesse, une idée qui s’éveille. C’était la beauté paradoxale de ces pratiques : l’ennui au volant suscitait des poussées inconscientes de désir, et parfois même l’envie de réfléchir pour ne plus subir le vide.

La voiture autonome est une industrie sans idée.

Elle ne fait que marchandiser et monétiser une pratique ordinaire qu’on opérait jusqu’ici par nous-mêmes, avec nos propres capacités cognitives et gestuelles, notre finesse et nos agilités.

L’innovation dans le capitalisme consiste 95 fois sur 100 à décalquer dans tous les champs d’activité possibles une poussée anthropologique de fond : passer de la puissance au pouvoir. Autrement dit : de la capacité humaine à faire, directement et sans interface, avec ses seules facultés cérébrales, physiologiques et créatives, à la possibilité de faire faire, qui est la définition primaire du pouvoir. Faire faire à l’appli, au Smartphone, aux algos, aux IA, aux robots… Comme on fait faire aux femmes, aux Arabes, aux esclaves, aux petites mains, aux sans-papiers sur leur vélo, ou tout bonnement à ses subordonnés hiérarchiques, ce qu’on ne veut pas condescendre à faire : ici se tient le pouvoir.

Faire faire nous l’avons consenti pour notre aptitude à mémoriser (avec les moteurs de recherche), à nous orienter (avec le GPS), à improviser (qu’on appauvrit à coups de réservations et d’applis de planning), à rencontrer quelqu’un (qu’on délègue aux algorithmes), à apprendre une langue ou à établir notre propre programme de sport – j’arrête ici une liste diluvienne qui arroserait quasiment tout le spectre de l’activité autrefois humaine – bref nous l’avons fait pour à peu près tout ce qui relevait encore, quelques décennies auparavant, de nos puissances personnelles.

Nous allons donc sous-traiter, déléguer et externaliser aux intelligences artificielles notre faculté de conduire un véhicule… Soit !

On voit bien ce qu’on y gagne : une énième paresse. Un soulagement, un lâcher-prise. Une douce démission. Plus besoin de vigilance, d’attention minimale, de construction mentale d’un trajet, plus besoin même de regarder la route, de se représenter la ville, d’aviser les gens sur les trottoirs, d’appuyer sur une pédale ou de tourner le volant. La voiture autonome le fait à ta place et toi tu vas jouer sur ton téléphone au jeu de la  Pastèque.

Alain Damasio – Vallée du silicium