
Voici donc la première « Itinérance » partagée avec le frangin. Bien sûr, nous avons déjà roulé milles fois ensemble et chaque fois pour notre plus grand bonheur. Mais jamais nous n’étions partis droit devant pour une aventure sur plusieurs jours. Il fallait donc commencer par un challenge accessible, qui laisse empreinte heureuse pour donner, du moins je l’espère, l’envie de recommencer très vite… 😉
Le parcours avait été trouvé. Il s’agissait de l’Ardéchoise, épreuve mythique organisée depuis des décennies dans le département voisin. Mais quelque chose n’allait pas. Le déséquilibre trop prononcé entre un début roulant et une fin ardue lorsque l’on s’élançait de Saint Félicien. Et puis il fallait bien considérer aussi la difficulté à trouver des hébergements vers la Barricaude ou sur les plateaux.
Mais comme toujours, il y avait une solution… Partir de Lalouvesc plutôt que de Saint-Félicien et inverser la trace. Ainsi, nous débuterions par les faciles montées de Rochepaule et du col de Clavière pour ensuite poursuivre par la belle vallée de l’Eyrieux. Atteignant Saint Martial à mi-parcours, nous pourrions manger. Et finir, refait, l’interminable mais très agréable montée du Mont Gerbier-de-Jonc. Ne resterait alors qu’à traverser ces hauts plateaux dont le caractère sauvage serait exacerber par un ciel lourd et menaçant. Tandis qu’un chien effilé comme un loup saute soudain sur la route pour nous accompagner un moment…
Mon frère roulait bien et progressait efficace dans cette région qu’il découvrait. Relevant d’un geste ces maisons immenses mais closes construites bien à l’écart. De mon coté, je profitais sereinement du moment. Le planning chargé de ces dernières semaines m’ayant laissé un peu exsangue, mais la joie du partage se révélant comme toujours le meilleur carburant qui soit. Je n’étais pas inquiet. Bientôt nous plongerions dans cette longue descente un peu piégeuse qui nous mènerait jusqu’à Burzet. Puis nous grimperions le col de Moucheyre, sous le suc de L’Ubac. La route y serait belle comme un sillon de verdure entrecoupé de ponts successifs. Puis, une fois le sommet atteint, ne resterait qu’une douce plongée vers cette Ardèche moins austère que celle des hauts plateaux…
La ville thermale et historique de Vals-les-Bains marquerait alors le terme d’une journée pas comme les autres. Nous y dormirions au grand hôtel de l’Europe, mais non sans avoir visiter auparavant la cité et profité ensemble d’un précieux dîner. La chose devenue si naturelle au fil des années marquerait bien sûr mon frangin, comme mes premières aventures de la sorte m’avaient marqué. Car il y a dans cette manière de se déplacer quelques choses de sublime, et qui vous rend plus fort quand tout ne va pas bien. Peut-être parce que l’on redécouvre qu’il ne faut pas avoir beaucoup pour être heureux. Un semblant de forme, l’esquisse d’un vagabondage dans une belle contrée. Inutile d’en faire davantage, seulement se laisser porter… tout en s’octroyant le temps d’en profiter. Merci mon frère 🙂 !

Le deuxième jour est différent. Car il n’est pas seulement la continuité de ce qui a déjà été fait, il est aussi un renouveau. Au cours duquel on se rend assez rapidement compte qu’à vélo, les étapes s’enchaînent avec une difficulté pas nécessairement croissante. Ceci s’explique par la capacité d’adaptation que nous avons. Et le caractère docile et respectueux de ce mode de déplacement. Cependant, quelques pièges sont à éviter. Et le premier d’entre eux serait de ne pas se ravitailler correctement. Ce matin, agréablement cueillis par le soleil qui nous a tant manqué hier, nous commençons l’étape à la boulangerie du coin…
L’étape du jour emprunte le col du Mézilhac, dont l’approche révèle les gorges pierreuses longeant la Volane. Mon frère est en forme, et roulant dans sa roue j’attrape au vol une photo de lui et d’Antraigues-sur-Volane, dont l’harmonie parfaite embellit la vallée. Cela restera pour moi la photo de notre virée. Le col est long, et il faut gérer ce que mon frère l’expérience aidant fait de mieux en mieux. Laviolle, une épingle et encore 10 kilomètres à gravir pour atteindre le sommet du col, à près de 1100m d’altitude tout de même.
Cet autre versant présente un temps un peu changé. Le ciel parfaitement bleu s’étant peu à peu couvert et, montrant par endroit, des signes annonciateurs de pluie. Nous ne traînons donc pas, filant dans la descente où la fraîcheur se fait mordante… Mais voici le Cheylard, ses cyclos en nombre, et ses boulangeries offrant un peu de réconfort. Une pizza, une brioche aux pralines… Et nous repartons déjà, en direction de Lamastre et d’une ascension que nous avions un peu sous-estimé. Car si le profil Openrunner mettait le Mézilhac en valeur, c’est bien ce col de Nozières, pentu du pied jusqu’au sommet qui nous ferait souffrir.. Mais la route y retrouvait aussi le caractère sauvage que nous aimons tant. Ses odeurs de genets qui vous enveloppent. Ses vues ouvertes, sur des vallons qui au loin se fondent dans l’horizon…
Nozières, enfin, et alors même que les premières gouttes font leur apparition… Nous nous arrêtons à l’abri sur le parvis de l’église. Tirant de nos sacs les sandwichs achetés le matin même pour une pause bien méritée… Je consultais mon compteur. 78 kilomètres, il nous en restait donc 30 à tout cassé. Je consultais mon frère qui, s’il commençait à accuser une certaine fatigue, validait la suite du programme. Oui, nous aurions pu couper directement pas le col du Buisson. Mais les journées comme celle que nous vivions sont si exceptionnelles qu’elles méritent bien d’être menées au bout. Nous allons donc redescendre vers Saint Félicien, par une voie communale et très belle. Puis, effectuant un quasi demi-tour, nous grimperons le Buisson par Pailharès que les amateurs de l’Ardéchoise connaissent bien. Il suffirait alors de rejoindre Lalouvesc, par la route des crêtes qui offre ces panoramas que l’on n’oublie pas (la dernière fois, c’était avec Nicolas, au retour de Pâques en Provence)…
Lalouvesc ! Voilà ! Cédric et moi venons de boucler Notre Ardéchoise. Une première itinérance pour lui qui, j’en suis sûr, le marquera comme j’ai pu l’être par ma première Ardéchoise sur deux jours. Et je suis un peu fier j’avoue. De voir mon frère réussir avec la manière le défi que nous nous étions lancé. Avec en plus le bonheur d’avoir pu partager avec lui deux superbes journées, sans autres barrières que cette distance sécuritaire qu’exige nos escapades cyclopédiques 😉 …